Trade not Aid

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By Christelle Marot


Professeur d’économie à l’Université Hassan II, Mohamed Berrada préside le centre de recherches Links. Il fut tour à tour ministre des Finances, ambassadeur du Maroc en France, président de l’Office Chérifien des Phosphates et de Royal Air Maroc.

Econostrum.info : Le Maroc a obtenu le statut avancé en octobre dernier, qui lui permet d’intégrer à terme le marché intérieur européen. Comment appréciez-vous le chemin parcouru ?
-Mohamed Berrada : Nous avons compris depuis longtemps que notre destinée est avec l’Europe, avec laquelle se fait 70% de nos échanges. Nous avançons doucement mais surement. Mais, il y a un prix à payer. Les reformes structurelles se succèdent : droit des sociétés, législation fiscale, commerce extérieur, réformes administratives, financières, politiques. Même sur le plan de la culture économique, les esprits ont évolué ! Si l’on considère le taux d’inflation et la rigueur budgétaire, on peut constater que les règles de Maastricht sont déjà respectées.

Econostrum.info : Que reste t-il à faire ? Quels sont les points de friction ?
-Mohamed Berrada : Dans l’éducation et la santé, le Maroc a un immense retard à combler. Nous devons aussi accélérer notre cadence d’investissements en infrastructures, répondre à la demande d’emploi des jeunes qui arrivent sur le marché du travail. C’est là où se situe notre intérêt réciproque. Réduire les inégalités de développement entre l’Europe et le Maroc constitue le meilleur chemin pour limiter les flux d’immigration clandestine. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord d’association en 2000, le Maroc opère le démantèlement tarifaire de ses produits industriels. A ce jour l’agenda est respecté. En contrepartie, pour accompagner l’économie nationale dans son processus de modernisation, près de 1,1 milliard d’euros ont été engagés dans le cadre des programmes Meda I et II. Mais cela ne suffit pas pour créer de la croissance. Trade and not Aid ! Et sur ce plan, il y a encore beaucoup à faire !

Econostrum.info : C'est à dire?
-Mohamed Berrada : La coopération avec l’UE n’a pas été exempte de conflictualités. La première difficulté a coïncidé avec l’adhésion de l’Espagne et du Portugal au marché communautaire, compte tenu des effets concurrentiels sur les exportations de produits agricoles marocains. Au Maroc, l’agriculture représente 17% du PIB et emploie 40% de la population active, alors qu’elle ne représente que 2 à 3% en Espagne. Nos produits sont soumis à des limitations de toutes sortes pour entrer en Europe. Comment peut-on parler alors de coopération et de liberté de circulation des biens? Il en est de même des personnes et des problèmes que cela pose au niveau de l’enseignement supérieur. Ce qui gêne c’est que certains pays cherchent à préserver leurs intérêts à tout prix sans tenir compte de ceux de leur partenaire du Sud, qu’on dit vouloir aider, mais en fait qu’on cherche à exploiter. Va t-on assister à une évolution des mentalités en Europe pour comprendre que l’entrée libre de produits agricoles d’un pays voisin en développement est vitale pour assurer la stabilité d’une partie importante de sa population ? Comment promouvoir les échanges et les investissements de proximité lorsque parfois on s’oppose à des opérations de délocalisation nécessaires à la survie des entreprises européennes pour des raisons démagogiques et politiques !

Econostrum.info : Quelles sont justement les effets de la crise sur vos relations avec l’UE ?
-Mohamed Berrada : La crise qui affecte notre principal partenaire est en train de nous envahir par le biais de la balance des paiements, c'est-à-dire par le commerce extérieur, les transferts courants, et les investissements extérieurs. Elle annonce une mutation profonde de l’économie mondiale et des rapports sociaux et politiques, notamment une géographie renouvelée par les solidarités de proximité, en lieu et place de la distinction obsolète entre Nord et Sud. Nous devons relire notre stratégie de partenariat avec l’Europe dans ce nouveau contexte. Ainsi par exemple, l’Europe est appelée à poursuivre son processus de désindustrialisation au profit du secteur tertiaire. Que faisons-nous ? Doit-on laisser les seules entreprises chinoises constituer le relais complémentaire à cette désindustrialisation ? Comment créer avec les entreprises européennes des pactes de solidarité et de complémentarité qui en définitive leur permet de survivre dans un marché globalisé, grâce à une amélioration de leur compétitivité ? L’Europe doit comprendre que son espace naturel de développement est d’abord cette Méditerranée, les pays de proximité qu’elle doit contribuer à développer sur la base d’une économie productive et de partage égal de valeur ajoutée.



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